vendredi 24 juillet 2009

Les Raies de las Galletas

I, feeding spot.

Le « feeding spot » n’a pas fini de faire parler de lui. Assister à sa naissance est une occasion rare de nos jours, mais qu’en est-il d’être témoin de sa mort ? Un évènement à ne pas rater et à partager. Voici donc un témoignage sans prétention sur le sujet et plus concrètement sur le fameux site de feeding « les raies » de Las Galletas.

Aussi loin que se souvienne la mémoire collective locale, ce « feeding spot » est apparu un beau matin des eighties. Point d’arrêt de la fameuse attraction touristique du sous-marin jaune de las Galletas, les plongeurs de bord utilisaient l’épave d’un bateau abandonné comme décor pour leur rencontre avec les raies. Ils nourrissaient les poissons sous le regard admiratif des touristes aquatiques, tous le nez collé au hublot. Au milieu de son désert de sable, le « feeding spot » se sentait bien. Mais le sous-marin a cessé ses activités après une décennie de plongées quotidiennes. Il est à son tour laissé à l’abandon, décidément... Il hante le port de las Galletas, témoin d’un passé inconnu de la procession de plongeurs qui défile devant lui chaque jour. La relève était assurée. Contre toute attente, un bébé « feeding spot » est né au début des années 2000, compagnon de couche d’un autre petit sous-marin jaune tout neuf, basé sur la côte Est de l’île. L’attraction reste identique dans son fonctionnement, les plongeurs de bord doivent seulement descendre à 30 mètres au lieu de 20. Le petit « feeding spot » se porte comme un charme, il est bien nourrit.

Mais revenons à notre feeding spot « les raies ». Les centres, les clubs, même les plongeurs hors structure l’ont maintenu en vie pendant toutes ces années folles. Le feeding au quotidien produit des comportements inattendus, non seulement de la part des gentils membres mais également de la faune. Le Sarre tambour s’y est très bien adapté par exemple. Ils pourchassent sans répit les raies pour qu’elles lâchent leur prise et en tirent ainsi profit. Têtus, ils mordent toujours au même endroit, ce qui provoque des plaies qui ne cicatrisent jamais. Un jour peut être utiliseront-ils la même technique sur les plongeurs, comme le faisait une tortue marine l’année dernière sur le même site. Elle a disparu aussi celle là.

Loin des yeux, loin des mains. Quand une raie de 2m² vous pousse du museau pour quémander de la nourriture, difficile de résister et de ne pas toucher, c’est humain. Cela doit certainement remonter à la petite enfance ce désir de toucher. Une pulsion incontrôlable qui n’a aucun sens pour un poisson. La raie ne retire rien d’un contact physique, à part certainement des problèmes cutanés. Combien sont-ils ces heureux plongeurs qui passent outre les recommandations des briefings ? Des milliers par an, assurément. «Vite fait, personne le verra »… Pensez donc, il y en a même qui les prennent par la queue !

En parlant de queue, le feeding a introduit un changement de mentalité important relatif aux bonnes mœurs de Pêche. Effectivement, de petits malins marins y sont venus pratiquer leur sport favori, ou peut être même leur métier ça l’histoire ne le dit pas. Le « feeding spot » est attaqué. Les poissons EAF (élevés au feeding) perdent leur méfiance naturelle et mordent à l’hameçon… Au petit matin, des raies sans aiguillon nous accueillaient sur le fond parsemé d’aiguillons sans raie. Et puis un jour aucune raie n’est venue à notre rencontre. La réputation du « feeding spot » est forte quand on fait référence à la plongée à Tenerife et à las Galletas en particulier. Alors comment allait-t-il s’en sortir sans visiteur ? Allais-je finalement assister à sa mort? Et bien non, dans un élan de survie ultime, poussé par des courants palmés, il s’est légèrement délocalisé. Oui, mesdames messieurs, le « feeding spot » ne meurt pas, il migre. Une fois les ressources épuisées, il choisit avec soin son nouveau nid, laissant derrière lui un paysage vide de vie. Sauf pour les quelques murènes brunes installées confortablement dans l’épave, qui doivent se sentir bien seules désormais.


Economiquement parlant, le « feeding spot » a toujours été une valeur stable, il a su s’adapter à la demande, et cela bien avant la venue de l’actuelle crise économique. Flexible, il s’adapte à tous les programmes. Il est même accessible au niveau B20 (baptêmes-à-20m-avec-raies-garanties). Mais un autre « feeding spot », celui del Puertito à Adeje, a remporté en moins de deux ans plus de la moitié des parts de marché de son concurrent, en lançant un programme beaucoup plus compétitif appelé B12 « baptêmes-à-12m-avec-tortues-marines-garanties ». Grâce à un choix stratégique de premier ordre, le feeding spot « las tortugas » s’est libéré des contraintes logistiques en sélectionnant un nid accessible du bord. Une manœuvre qui symbolise clairement son entrée dans le monde de la grande distribution.

Les services publics locaux semblent avoir pris conscience de la situation générale du sud de Tenerife et collaborent étroitement avec les centres de plongée et organisations écologistes. Plusieurs projets de préservation des ressources marines sont en cours d’élaboration. Ce week-end par exemple, une dizaine de centre de plongée de Las Galletas organise une action d’éradication de l’oursin Diadème (Diadema Antillarum). Cette plongée de masse sert de préparation au projet de « Micro réserve marine » de la Montagne Jaune, site de plongée des environs. Il prévoit des points d’ancrage, une régulation du nombre maximal de plongeur journalier mais surtout une interdiction d’y pratiquer aussi bien le feeding que la pêche.

Texte et illustrations : Philippe GUILLAUME, Tenerife.




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